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L’invention de la famille (de Sonia David)

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L’arbre généalogique de la famille
(c) Editions Grasset

C’est le titre qui m’a plu, qui tout de suite m’a plu et attiré : inventer la famille, comme si celle-ci était non seulement donnée mais créée ou recréée, créée et recréée, sans cesse réimaginée et refantasmée. Et inventée aussi dans l’autre acception du terme : inventée comme on invente un trésor, un trésor qui était là depuis longtemps, caché sous la terre et la poussière mais qu’on découvre, qu’on redécouvre peu à peu, au hasard de la vie, du vent que soufflent les questions enfantines, du grand lessivage qu’entraînent, sur les certitudes, les générations qui se succèdent.

L’invention de la famille, c’est un peu tout cela : tous ces parents, connus depuis toujours, et dont on se rend compte, avec le temps, qu’on ne les connaissait pas si bien ; ces lieux partagés, les maisons de famille, qui se rappellent à nous par leur parfum de vieilles choses et de vieilles personnes ; ces histoires, ces on-dit, ces non-dits, toute cette structuration qui nous est familière et rassurante.

Il y a aussi ces convictions qu’on croyait pour toujours assurées, assises sur des certitudes enfantines, et qui se révèlent progressivement fragiles, évanescentes, flottantes, ces attributs qu’on avait collés aux uns et aux autres mais aussi à nous mêmes et qui finalement s’effilochent jusqu’à n’être plus rien.

La famille et le familier sont cet entre-deux fait de relations entre chien et loup : ça n’est pas le cercle familial, ce tissage étroit, serré, qui peut être oppressant car il s’impose à nous ; ça n’est pas l’étranger ; c’est ce lieu des liens lâches, des liens qui nous sont donnés mais qui, passé la prime enfance, n’existent plus que par notre choix, notre choix de leur donner vie ou de les laisser mourir.

Et pourtant.

Et pourtant, quel que soit notre choix, et serait-il même de rompre, de couper ces liens qui nous embarrassent, quelque chose s’impose à nous, à nous tous, quelque chose en nous, indélébilement, fait famille. Ce sont ces faits, ou ces mythes, ou ces mythologies, ces récits mille fois répétés ou peut-être seulement évoqués, ces secrets, ces mystères tus mais de toutes et tous connus.

C’est à la découverte tâtonnante, hasardeuse, étonnée, émerveillée souvent ; à la plongée dans l’épaisseur du palimpseste des générations ; à la redécouverte, à la réhabilitation parfois, de ces destins divers ; à l’effort entrepris pour se détacher de la vision enfantine, pourtant si prégnante, qu’on a du rôle et de l’importance de chacun, que Sonia David, dans ce récit de voyage, d’exploration plutôt, dans cette enquête à la Hérodote, se livre : quelle est cette chose dont nous nous nourrissons et nous libérons tout à la fois pour devenir nous-mêmes, cet être singulier et pourtant si empli des autres, de ce long et large maillage dont nous ne sommes qu’un des maillons ; qu’est-ce qui, en nous et en ces liens, fait famille ?

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L’arbre généalogique de la famille
(c) Editions Grasset

C’est le titre qui m’a plu, qui tout de suite m’a plu et attiré : inventer la famille, comme si celle-ci était non seulement donnée mais créée ou recréée, créée et recréée, sans cesse réimaginée et refantasmée. Et inventée aussi dans l’autre acception du terme : inventée comme on invente un trésor, un trésor qui était là depuis longtemps, caché sous la terre et la poussière mais qu’on découvre, qu’on redécouvre peu à peu, au hasard de la vie, du vent que soufflent les questions enfantines, du grand lessivage qu’entraînent, sur les certitudes, les générations qui se succèdent.

L’invention de la famille, c’est un peu tout cela : tous ces parents, connus depuis toujours, et dont on se rend compte, avec le temps, qu’on ne les connaissait pas si bien ; ces lieux partagés, les maisons de famille, qui se rappellent à nous par leur parfum de vieilles choses et de vieilles personnes ; ces histoires, ces on-dit, ces non-dits, toute cette structuration qui nous est familière et rassurante.

Il y a aussi ces convictions qu’on croyait pour toujours assurées, assises sur des certitudes enfantines, et qui se révèlent progressivement fragiles, évanescentes, flottantes, ces attributs qu’on avait collés aux uns et aux autres mais aussi à nous mêmes et qui finalement s’effilochent jusqu’à n’être plus rien.

La famille et le familier sont cet entre-deux fait de relations entre chien et loup : ça n’est pas le cercle familial, ce tissage étroit, serré, qui peut être oppressant car il s’impose à nous ; ça n’est pas l’étranger ; c’est ce lieu des liens lâches, des liens qui nous sont donnés mais qui, passé la prime enfance, n’existent plus que par notre choix, notre choix de leur donner vie ou de les laisser mourir.

Et pourtant.

Et pourtant, quel que soit notre choix, et serait-il même de rompre, de couper ces liens qui nous embarrassent, quelque chose s’impose à nous, à nous tous, quelque chose en nous, indélébilement, fait famille. Ce sont ces faits, ou ces mythes, ou ces mythologies, ces récits mille fois répétés ou peut-être seulement évoqués, ces secrets, ces mystères tus mais de toutes et tous connus.

C’est à la découverte tâtonnante, hasardeuse, étonnée, émerveillée souvent ; à la plongée dans l’épaisseur du palimpseste des générations ; à la redécouverte, à la réhabilitation parfois, de ces destins divers ; à l’effort entrepris pour se détacher de la vision enfantine, pourtant si prégnante, qu’on a du rôle et de l’importance de chacun, que Sonia David, dans ce récit de voyage, d’exploration plutôt, dans cette enquête à la Hérodote, se livre : quelle est cette chose dont nous nous nourrissons et nous libérons tout à la fois pour devenir nous-mêmes, cet être singulier et pourtant si empli des autres, de ce long et large maillage dont nous ne sommes qu’un des maillons ; qu’est-ce qui, en nous et en ces liens, fait famille ?

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Image générée par Midjourney 6.1 Commençant les Sorcières , de Mona Chollet, je pense à La sorcière , le livre presque éponyme de Jules Michelet, paru en 1862 et qui fit alors scandale. Un livre qui, écartant les faits ou plutôt s’en détachant, s’éloignait de l’analyse historique traditionnelle pour décrire une sorte de rêve éveillé, de transe, de récit hallucinatoire et inspiré mettant l’auteur, et à travers lui le lecteur, en contact direct avec le monde et les êtres décrits, et en tirer une réinterprétation fantasmatique, fantasmatique et fantastique du Moyen-Âge, ainsi qu’un hymne à la femme, grande passeuse et grande libératrice. Pan, le grand Pan est mort. Thamous en a reçu l’annonce tandis qu’il naviguait au large de Paxos. Pan est mort tandis que le christianisme naissait, et avec cette mort meurt le paganisme, cette relation directe, immédiate, confiante à la nature et à la vie. Pan meurt et la panique naît. Car l’Antiquité, elle aussi, se dissout, et avec elle l’éclat et le ciment de la romanité. Partout en Europe, les villes se resserrent, détruisent leurs monuments pour construire des remparts au sein desquels elles se replient, se réfugient, se referment, dans la terreur des invasions : une grande ombre étend son aile sur le continent. C’est dans cette période de mort, de noirceur et d’étouffement, dans cette époque qui sera bientôt écrasée sous le joug féodal et battue sans relâche par les fourches d’un christianisme combattant tout ce qui lui résiste, que la sorcière apparaît, incarnant la résistance et le refuge. Résistance de la nature et des cultes antiques, refuge des savoirs anciens, pérennité de l’amour et de la sexualité face à l’ordre nouveau des clercs et des inquisiteurs , l’ordre nouveau de cette Église qui fonde son autorité sur la peur du péché, la crainte de l’Enfer, le culte morbide de la virginité. La sorcière, qui est femme, belle et désirable, est, face à Marie, vierge et mère, virginale et maternelle, douce et obéissante, la réincarnation d’Ève, de l’Ève pécheresse et première mortelle , l’Ève curieuse et pandorique, de cette Ève du geste de laquelle tout naquit. Elle est la connaissance et la tentation, le désir et la joie, le rire et le corps sans entraves, ce corps que symbolise, plus encore que le sein, la chevelure, chevelure qu’on dit folle mais qui n’est que libre et déliée, à l’image de celle qui la porte. La sorcière est la liberté toujours mouvante, la passeuse liquide et serpentine, mélusine , qui se faufile entre les interstices, le pont de lianes faisant le lien entre l’humain et le reste de la nature, l’esprit souple qui, acceptant l’incarnation et l’Ici bas, se débat dans le carcan d’un monde que l’Église rejette et satanise pour mieux glorifier l’Au-delà. Elle est la vie, l’espérance et la joie affrontant une religion qui, sous couvert de salut, de pardon et de vie éternelle, est devenue repentance perpétuelle, apologie de la souffrance et de la mort. Il est dommage, dommage, injuste et invisibilisant qu’en écrivant ses Sorcières , qui lui doivent tant, Mona Chollet n’ait pas évoqué le livre de Jules Michelet, ce long poème à la féminité. On peut trouver La sorcière en livre imprimé chez divers éditeurs. On peut également la trouver en format PDF sur l’excellent site de l’Université du Québec à Chicoutimi , et en format EPUB dans la Bibliothèque numérique TV5 Monde . PS : Quelques articles et blogs sur ce livre : L’article fondateur d’Alain Besançon dans Les Annales, en 1971 , lisible sur le site de Persée . Michelet pardonne au diable, pas aux hommes , d’Hervé Jeanney, sur Publie.net La Sorcière de Michelet, et les autres , dans Labyrinthes… Les trois émissions que Roland Barthes a consacré à ce livre en 1954 (avec de superbes lectures d’Alain Cuny !) et qui ont été récemment rediffusées par France Culture. La Sorcière, de Jules Michelet sur Welcome to Nebalia . L’image a été générée par Midjourney (qui, comme je l’ai écrit ailleurs , sait parfaitement illustrer nos fantasmes). Sous ma lecture, en sus de l’habituel Bayati, de Georges Gurdjieff, l’enregistrement d’un orage pluvieux pris sur le site de la BBC qui met désormais à disposition des milliers de captures sonores . Qu’elle soit remerciée. Cet article La sorcière (de Jules Michelet) est apparu en premier sur Aldor (le blog) .…
 
Une jolie spirale (mais qui n’est pas celle de Fibonacci) Que fait-on, quand on sait mais qu’on ne peut pas ? Quand on sait, qu’on a parlé mais parlé dans le désert ; qu’on a dit mais que nul n’a voulu nous entendre ; que le laps de temps dont on disposait pour éviter la catastrophe est révolu et qu’il est désormais trop tard ? Cassandre sait cela. Dans la Troie fumante quelle avait prophétisée, elle est violée par Ajax, capturée par Agamemnon qui en fait sa concubine, emmenée à Mycènes où elle finit sa vie égorgée par Clytemnestre. Cabane , d’Abel Quentin, est l’histoire des auteurs du rapport Meadows , rebaptisé Rapport 21, qui, fondé sur une modélisation assez poussée du système-monde, décrivit, dès 1972, les conséquences délétères, sur l’environnement et les ressources, d’une croissance continue, mettant en garde contre l’effondrement très probable de ce système, quelque part au cours du XXIème siècle, si aucune correction forte ne lui était rapidement apportée. Dix ans après, vingt ans après, trente ans après, rien ne change : la spirale de Fibonacci continue sa course folle, reliant les sommets de carrés dont les côtés croissent de façon exponentielle ; le pillage et la pollution explosent ; plus rien n’échappe à la destruction prédatrice : gratter, pomper, sucer jusqu’à la moelle, aspirer, assouvir : demain est un autre jour et après nous le déluge. Cassandre, certainement, a plongé dans le désespoir ; il en va de même des héros de Cabane : le désespoir, l’amertume, et venant s’ajouter à cela, une certaine honte de n’avoir pas su convaincre, d’avoir prêché devant des foules qui écoutèrent sans entendre. Car le rapport Meadows ne fut pas confidentiel ; ce fut, au début des années 1970, un grand succès, un grand événement ; c’est seulement que nul n’en tint compte. L’un tombe dans le déni et rejoint une compagnie pétrolière, d’autres vont faire de l’élevage ; et le quatrième, mathématicien proche de Grothendieck et du groupe Bourbaki , erre longtemps de cabanes en cabanes avant de se lancer dans l’accomplissement des actes nécessaires à la tâche, la terrible tâche qu’il s’est finalement donnée : arrêter la suite de Fibonacci. La dynamique des systèmes croissant de façon exponentielle est redoutable : on peut, sans trop de difficulté, détourner de sa trajectoire un moustique ou une mouche ; avec un faucon ou un aigle, c’est déjà plus difficile ; plus dur encore avec un hippopotame ou un rhinocéros. Mais on a beau voir le bord du monde, cette muraille où tout s’effondre parce que tout a été sapé, comment changer la route du supertanker de 500 000 tonnes sur lequel nous sommes désormais embarqués ? Certains pensent y arriver en utilisant des moteurs encore plus gros, encore plus puissants, qui permettront de tourner plus vite ; mais c’est une course folle car ces moteurs, plus gros et plus gourmands, dévastent plus encore le globe et accroissent plus encore le poids et l’inertie du bateau-monde, rendant plus difficile encore le virage. Et puis on peut chercher à faire autrement : essayer de réduire, drastiquement, le poids du navire, faire en sorte que quelques-uns au moins aient une chance d’échapper au naufrage. C’est ce que fait le quatrième. On pourra également : écouter l’entretien de l’auteur avec Léa Salamé (France Inter, 28 août 2024) ; Lire, dans Le Monde , la critique d’Emmanuel Carrère ; Voir et écouter son long entretien à la Maison de la poésie . L’image d’illustration a été générée par Midjourney à qui j’avais demandé de créer la pseudo-photo d’une spirale de Fibonacci dessinée en craies de couleur sur un tableau noir. Il a bien respecté la consigne esthétique et le sens général mais pas le sens précis. Derrière ma lecture, un enregistrement d’une rue de Soho, à Londres, capté en décembre 2024, et Koyaanisqatsi, de Philippe Glass, bande-titre du film de Godfrey Reggio dont j’ai déjà parlé , et qui est probablement, dix ans après, la meilleure illustration cinématographique du Rapport Meadows. Cet article Cabane (d’Abel Quentin) est apparu en premier sur Aldor (le blog) .…
 
Alicia Clary dans le cabinet de Thomas Edison, à Menlo Park Image générée par Midjourney En 1885, Thomas Edison, pour sauver du désespoir un de ses amis tombé amoureux d’une actrice très belle mais stupide et vulgaire, en crée une réplique artificielle, dite andréïde , physiquement indiscernable de l’original et dotée d’un cerveau, d’un système nerveux, de muscles et d’articulations mécaniques et électriques lui donnant l’apparence de l’émotion, de l’intelligence et de la sensibilité. Telle est, brièvement résumée, la trame de L’Ève future , ce roman d’ Auguste de Villiers de l’Isle-Adam publié en 1886. Thomas Edison , Menlo Park , un amour brisé par la discordance choquante de l’être et du paraître, un peu du mythe de Pygmalion , une intuition des développements lointains de la robotique et de ceux, plus lointains encore, de l’intelligence artificielle : tous les éléments étaient réunis pour que naisse un grand roman fantastique, et c’est bien ainsi qu’il fut accueilli. C’est dire à quel point on peut être déçu de l’ennui ressenti à la lecture de ce livre qui, aux longues explications pseudo-scientifiques à la Jules Verne, ajoute des propos d’une rare misogynie et surtout des considérations vaguement ésotériques qui séduisent d’abord mais finissent par lasser : L’Ève future est un admirable projet gâché par sa mise en oeuvre. L’idée n’en est pas moins fascinante : fabriquer, à partir de métal, de pompes hydrauliques, d’electro-magnétisme et de « lumière radiante » une créature imitant parfaitement l’être humain, reproduisant les attitudes, les gestes, la façon de marcher, de parler, de rire, d’être, de l’Alicia Clary dont Lord Ewald est tombé amoureux, mais d’une Alicia Clary que ne ternirait pas la disgrâce de l’esprit. Quoi de plus de plus désolant, en effet, que la discordance entre le charme et la beauté du visage et du corps et la malformation, la laideur du caractère et de l’esprit ? C’est ce hiatus que la réalisation de l’andréïde permettra de combler. L’Edison de l’Ève future travaille avec les technologies dont le vrai Edison est l’inventeur. La voix d’Alicia Clary est donc gravée sur des cylindres d’or, sous forme de phrases ou de répliques dont la lecture est déclenchée par un mot ou un geste de Lord Ewald. Mais la capacité des cylindres étant très limitée, il en va de même du nombre de répliques. Et c’est là que le livre, annonçant les tristes réflexions d’Adolfo Bioy Casares dans L’Invention de Morel, dépasse ses défauts pour devenir vraiment grand. Car ce qui est proposé à Lord Ewald, c’est de revivre indéfiniment, au travers des quelques centaines de phrases que les cylindres peuvent contenir, les émotions des premiers jours de la passion, au motif Ô combien pessimiste que l’amour tout entier est finalement contenu dans ces quelques moments, le reste des passions n’étant qu’un effort perpétuel, désespéré et sans doute mensonger pour revivre l’émoi de ces premiers instants. « ― Éterniser une seule heure de l’amour, ― la plus belle, ― celle, par exemple, où le mutuel aveu se perdit sous l’éclair du premier baiser, oh ! l’arrêter au passage, la fixer et s’y définir ! y incarner son esprit et son dernier vœu ! ne serait-ce donc point le rêve de tous les êtres humains ? Ce n’est que pour essayer de ressaisir cette heure idéale que l’on continue d’aimer encore, malgré les différences et les amoindrissements apportés par les heures suivantes. ― Oh ! ravoir celle-là, toute seule ! ― Mais les autres ne sont douces qu’autant qu’elles l’augmentent et la rappellent ! Comment se lasser jamais de rééprouver cette unique joie : la grande heure monotone ! L’être aimé ne représente plus que cette heure perpétuellement à reconquérir et que l’on s’acharne en vain à vouloir ressusciter. Les autres heures ne font que monnayer cette heure d’or ! Si l’on pouvait la renforcer des meilleurs instants, parmi ceux des nuits ultérieures, elle apparaîtrait comme l’idéal de toute félicité réalisé. » En fond sonore, derrière ma lecture Love me, please love me , de Michel Polnareff, dont la mélancolie n’est pas sans rappeler la vision pessimiste de l’amour que je trouve dans ce livre. Cet article L’Ève future (d’Auguste de Villiers de l’Isle-Adam) est apparu en premier sur Aldor (le blog) .…
 
©Sci-Fi Channel On a toujours du mal (moi, du moins) à cerner les raisons de l’amour que nous portons aux êtres ; mais aussi de cette sorte d’amour que nous pouvons porter à des biens matériels ou encore, comme ici, à des oeuvres et créations humaines qui nous touchent particulièrement. Je crois toutefois que ce qui me plaît, au fond, dans la série Battlestar Galactic a (je veux parler du remake du début des années 2000), c’est l’idée, très banale et très tarte à la crème mais à laquelle je crois profondément, selon laquelle l’intuition, le coeur et les tripes sont de meilleurs guides que la raison, et que c’est seulement en allant au bout de l’incarnation, dans les affres du corps et de la chair, du désir et de la faiblesse, qu’on accède au spirituel, si ce n’est au divin. Ce qui me plaît et qui m’attire dans cette longue histoire d’une humanité réduite à quelques dizaines de milliers d’individus réfugiés dans des vaisseaux délabrés fuyant à travers l’espace, c’est l’espèce d’illustration de la pensée de Pascal contraposée, quelque chose comme : c’est en faisant la bête que souvent on fait l’ange. Celles et ceux qui, dans ce récit, permettent à l’espoir de renaître sont ceux qui, faisant abstraction des règles, des frontières, des convenances et parfois de la raison, acceptent de suivre leur cœur et sortent transcendés, magnifiés, sanctifiés par cet abandon, qui leur ouvre des horizons insoupçonnés. Ils ne sont pas saints a priori , ils peuvent même être plutôt criminels et lâches comme Gaïus Baltar, qui est une des figures les plus détestables de la série mais, du fond de leur faiblesse, parce qu’ils la reconnaissent, parce qu’ils abdiquent de leurs prétentions, ils peuvent s’élever, transgresser et ouvrir de nouvelles voies. Il y a de la rédemption, de la rédemption christique mais joyeuse dans cette approche, et le fait est que la série (c’est une des autres raisons qui la rendent passionnante) est un entrecroisement, un tissu de problématiques religieuses, mythologiques, politiques, philosophiques, psychologiques, sociales, un fourmillement de réflexions (ou plutôt de coups d’oeil) sur le pouvoir, la lutte des classes, la maladie, l’État, l’intelligence artificielle, l’individualisme, l’amour, la confiance, la mauvaise foi, l’altérité : c’est épais, jamais totalement clair, jamais totalement dénué d’arrière-pensées et de doubles-fonds mais c’est dans ce machin visqueux et dépourvu de certitudes qu’il faut plonger les mains et tenter d’avancer. Il y a les personnages, qui au début simples, croissent en complexité, en contradictions, en humanité, y compris chez les Cylons , parce qu’ils grandissent de leurs échecs, de leurs abandons, de leurs deuils symboliques ; il y a la musique , obsédante, de Bear McCreary ; il y a les actrices et les acteurs, extraordinaires ; et il y a ce regard finalement optimiste porté sur nous autres, pauvres humains : c’est du fond de notre finitude et de notre imperfection que nous pouvons toucher l’universel. En fond musical, le thème principal de la série puis un morceau particulier : The Battlestar Sonatica. dans Télérama , sous la plume de Pierre Langlais, “Battlestar Galactica” fête ses 20 ans : dix bonnes raisons de (re)voir cette série hors norme , sur France-Culture , Battlestar Galactica, la meilleure série SF de la galaxie ? dans Quaderni , un article de Mehdi Achouche, Battlestar Galactica et la politique fiction américaine un article de Pascale Molinier, Battlestar Galactica est-elle une série féministe ? On pourra également se reporter au podcast francophone de référence sur cette série, GalactiFrak Cet article Battlestar Galactica (de Ronald D. Moore) est apparu en premier sur Aldor (le blog) .…
 
Un Shetland Une fois défini un indicateur à l’aune duquel mesurer le succès d’un dispositif ou d’une entreprise, quelle qu’elle soit, la performance consiste à faire en sorte de maximiser cet indicateur. Mais la prémisse est très importante : la performance n’a de sens que pour les systèmes simples, monotâches ou monovalents. Dès lors que la complexité s’y mêle, que plusieurs rôles sont simultanément remplis, plusieurs objectifs suivis, considérer qu’il existe un indicateur unique au regard duquel il serait pertinent d’évaluer la performance n’est plus possible, ou du moins devient absurde. Là n’est pas tout à fait l’angle retenu par Olivier Hamant , qui insiste plutôt sur la contradiction entre recherche de performance et robustesse : pour rendre plus performant, on optimise ; on optimise forcément au regard de l’objectif souhaité, ce qui revient à désoptimiser au regard d’autres objectifs imaginables : que les conditions changent un peu, qu’on ait besoin de réorienter l’action, et l’ex-optimisation deviendra un handicap : la performance n’est pas robuste au changement. Dans les temps troublés, dans les périodes de bouleversement (plus encore que de réchauffement) climatique, géopolitique, économique, comme celle que nous traversons, la performance est un mauvais cheval : ce ne sont pas des purs sangs spécialisés dans tel ou tel type de course, qu’il faut, mais de braves percherons, ou des Shetlands, capables de changer de terrain de jeu, d’affronter des situations inédites, de tenir bon dans l’adversité et la diversité. Dans ces temps là, la souplesse, l’adaptabilité, la polyvalence valent mieux que la spécialisation et l’optimisation. Mais il y a plus, au fond, beaucoup plus ; et je reviens ainsi à mon propos premier (premier mais pas unique, justement) : prétendre rendre performant un dispositif, un système, un individu, quoi que ce soit, c’est implicitement considérer qu’il a un objectif, une utilité unique, qu’il a une seule fonction, ce qui est simplement stupide : le vêtement n’est pas seulement fait pour tenir chaud mais pour se donner à voir et mettre en beauté ; nous ne marchons pas seulement pour aller d’un point à un autre mais pour voir des paysages, changer d’air, méditer au rythme de nos pas ; et le marché du village a peut-être moins comme fonction de nous permettre d’accéder à des biens divers que de nous donner l’occasion de croiser la crémière et son joli sourire : imaginer que les choses et les êtres, les projets et les systèmes sont univoques, faits pour ceci ou cela, et que c’est à cette seule aune qu’ils devraient être évalués, c’est faire preuve d’une incompréhension totale et délirante du monde. Celles et ceux qui ne jurent que par la performance, qui font de cell e-ci l’ultima ratio de leur conduite, non seulement se préparent, comme le dit Olivier Hamant, des lendemains désenchantés, mais ne comprennent rien, rien de rien, au monde et à son inépuisable débordement, à son incroyable trop-plein. Ils passent à côté de tout. Cet article Antidote au culte de la performance (d’Olivier Hamant) est apparu en premier sur Aldor (le blog) .…
 
La belle affiche du film La Belle et la Bête , de Jean Cocteau De tous les contes, ceux que je préfère sont ceux de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont , et parmi eux, tout particulièrement, La Belle et la Bête , qui depuis toujours m’enchante (et dont on trouvera ici une lecture faite à mes enfants il y a une quinzaine d’années ). Elle est l’histoire d’un prince qu’un sort a transformé en bête, ce qui va lui permettre de connaître le véritable amour. Il serait resté prince, glorieux dans sa jeunesse et sa beauté, c’est à ses atours qu’on se serait attaché. Mais il est laid et sauvage. Et la femme qui l’aimera en dépit de son apparence et de son statut de bête, cette femme là l’aimera vraiment car elle aura su percer la carapace, mettre au jour le diamant enfoui. L’amour est une découverte. Il lui faut, pour se déployer vraiment et prendre à la fois son ampleur et son vol, voir au-delà des apparences, creuser la surface. C’est probablement le drame des êtres trop beaux que d’attirer toujours les regards et les élans, au risque de douter toujours de l’amour qui leur est porté : est-ce moi qu’on aime ou seulement mon éclat ? Il faut du temps, des deux côtés, pour aller au-delà des apparences, dépasser le masque de la laideur et celui de la beauté, pour que la Belle perce la Bête et que la Bête, symétriquement, apprenne à apprécier cette Belle et à découvrir la bonté qui se cache derrière la beauté. Tout cela est un peu fleur bleue mais il y a plus : la Belle est la Bête, ou plutôt : le Beau est la Bête. La créature aux griffes fumantes du film de Jean Cocteau est moins la victime du sort jeté par une méchante sorcière que le prince révélé à lui-même par une introspection psychanalytique, le prince qui, dans ses rêves nocturnes, quand sa conscience s’est perdue dans les chemins de traverse de l’onirisme, revêt sa fourrure, ses hurlements, ses désirs et ses besoins de fauve, découvre avec stupeur la sauvagerie qui est en lui. Le Beau est la Bête mais la Bête est le Beau. C’est pour avoir accepté de se mettre à nu, de découvrir l’épaisse toison ténébreuse que recouvrait sa peau d’homme propre sur soi que le prince non seulement peut gagner l’amour de Belle mais devient prince et d’abord homme. Et il le devient non seulement de mettre au jour cette partie enfouie de sa nature, mais d’accepter, de vivre sa sauvagerie, de connaître les tourments, les déchirements, les plaisirs et les remords que provoque cette plongée au cœur des ténèbres. C’est là, dans la nuit profonde, dans l’expérience de l’imperfection et du mal, dans le déchirement de cette déchirure, que peuvent vraiment jaillir l’éclat, le beau et le bien. « That’s how the light gets in ». En illustration sonore, évidemment, Anthem , de Leonard Cohen. Cet article La Belle est la Bête est apparu en premier sur Aldor (le blog) .…
 
(c) Teatro Madrid C’est la dernière partie d’une trilogie dont je n’ai vu que cette dernière, pour sa dernière, dimanche, au Théâtre du Rond-Point . C’est une femme, une femme amoureuse, amoureuse et dépendante ; amoureuse et dépendante d’un pervers qui la quitte, comme elle a toujours craint qu’il le fasse, comme elle l’a peut-être poussé à le faire, avec toute cette dépendance poisseuse, ce poids, cette attente continuelle et trop lourde à porter, cette angoisse à se taper la tête contre les murs, ce qu’elle fait, et dont il la sauve, ce qui ne l’empêche d’ailleurs pas, ce Pablo, d’être un salaud. Et depuis, comme déprise d’elle-même, aliénée (ce qu’elle est) elle erre, dépressive, racontant et dansant pour s’extirper du trouble psychiatrique qu’on lui a diagnostiqué, de cette chute immobile dans le rien (mais y a-t-il un autre trouble, une folie plus grande et plus dévastatrice que l’amour non partagé, l’amour trahi et méprisé de ceux qui aiment vraiment, qui aiment « à la folie » ?), trouvant dans le personnage de la Sarah Connor de Terminator , de cette femme qui manie si bien les armes si phalliques, une voie pour s’en sortir et tâcher de survivre. Sarah Connor, donc, en cinq exemplaires, armée de sa rousseur et d’un pistolet noir, qui s’avance sur scène pour régler ses comptes en exhibant sa nudité, protégée, exaltée plus que fragilisée par cette totale nudité, une nudité puissante et victorieuse où se voient une chair bien tendue, un regard assuré, des cuisses et des seins fermes, un corps sportif et élancé. En contrepoint, le personnage ressuscité de Nijinsky, sur la tombe duquel l’autrice est allée se recueillir, d’un anti-Nijinsky plutôt, d’un Nijinsky qui aurait troqué sa silhouette altière pour l’allure basse et ovoïde d’un Humpty Dumpty prétentieux (et rien de pire, pour un homme, qu’une taille un peu trop basse !), d’un Humpty Dumpty prétentieux jouant le fou du roi on ne sait pas très bien pourquoi. Marina Otero et ses quatre alter ego dansent, chantent, hurlent, racontent parfois, disent leur histoire et leur malaise. Elles sont touchantes, elles sont poignantes avec leurs récits de borderlines, de filles perdues qui ne se sont jamais vraiment retrouvées, avec leur personnalités binaires qui ne trouvent leur équilibre que dans le lithium (c’est amusant, une des spécialistes mondiales du lithium s’appelle également Marina Otero), avec leur détresse amoureuse qui leur fait comprendre, épouser, chanter Edith Piaf et Marcel Cerdan. Tout cela touche et émeut. Mais pourquoi cette nudité ? Une nudité qui n’a rien de choquant mais qui cache bien plus qu’elle ne met à nu, qui voile bien plus qu’elle ne révèle, et dont l’éclat, finalement, obscurcit (comme les projecteurs lors de l’entrée en scène). Kill me , de Marina Otero . Avec Ana Cotoré, Josefina Gorostiza, Natalia López Godoy, Myriam Henne-Adda, Marina Otero, Tomás Pozzi. Musicienne au plateau : Myriam Henne-Adda. Cet article Kill me (de Marina Otero) est apparu en premier sur Aldor (le blog) .…
 
L’arbre généalogique de la famille (c) Editions Grasset C’est le titre qui m’a plu, qui tout de suite m’a plu et attiré : inventer la famille, comme si celle-ci était non seulement donnée mais créée ou recréée, créée et recréée, sans cesse réimaginée et refantasmée. Et inventée aussi dans l’autre acception du terme : inventée comme on invente un trésor, un trésor qui était là depuis longtemps, caché sous la terre et la poussière mais qu’on découvre, qu’on redécouvre peu à peu, au hasard de la vie, du vent que soufflent les questions enfantines, du grand lessivage qu’entraînent, sur les certitudes, les générations qui se succèdent. L’invention de la famille , c’est un peu tout cela : tous ces parents, connus depuis toujours, et dont on se rend compte, avec le temps, qu’on ne les connaissait pas si bien ; ces lieux partagés, les maisons de famille, qui se rappellent à nous par leur parfum de vieilles choses et de vieilles personnes ; ces histoires, ces on-dit, ces non-dits, toute cette structuration qui nous est familière et rassurante. Il y a aussi ces convictions qu’on croyait pour toujours assurées, assises sur des certitudes enfantines, et qui se révèlent progressivement fragiles, évanescentes, flottantes, ces attributs qu’on avait collés aux uns et aux autres mais aussi à nous mêmes et qui finalement s’effilochent jusqu’à n’être plus rien. La famille et le familier sont cet entre-deux fait de relations entre chien et loup : ça n’est pas le cercle familial, ce tissage étroit, serré, qui peut être oppressant car il s’impose à nous ; ça n’est pas l’étranger ; c’est ce lieu des liens lâches, des liens qui nous sont donnés mais qui, passé la prime enfance, n’existent plus que par notre choix, notre choix de leur donner vie ou de les laisser mourir. Et pourtant. Et pourtant, quel que soit notre choix, et serait-il même de rompre, de couper ces liens qui nous embarrassent, quelque chose s’impose à nous, à nous tous, quelque chose en nous, indélébilement, fait famille. Ce sont ces faits, ou ces mythes, ou ces mythologies, ces récits mille fois répétés ou peut-être seulement évoqués, ces secrets, ces mystères tus mais de toutes et tous connus. C’est à la découverte tâtonnante, hasardeuse, étonnée, émerveillée souvent ; à la plongée dans l’épaisseur du palimpseste des générations ; à la redécouverte, à la réhabilitation parfois, de ces destins divers ; à l’effort entrepris pour se détacher de la vision enfantine, pourtant si prégnante, qu’on a du rôle et de l’importance de chacun, que Sonia David, dans ce récit de voyage, d’exploration plutôt, dans cette enquête à la Hérodote, se livre : quelle est cette chose dont nous nous nourrissons et nous libérons tout à la fois pour devenir nous-mêmes, cet être singulier et pourtant si empli des autres, de ce long et large maillage dont nous ne sommes qu’un des maillons ; qu’est-ce qui, en nous et en ces liens, fait famille ? Cet article L’invention de la famille (de Sonia David) est apparu en premier sur Aldor (le blog) .…
 
Vive (c) Compagnie Superlune À Avignon, une scène qui ressemble à un tribunal, un tribunal qu’éclaireraient des lumières de ring. Une petite fille de sept ans qu’émerveillent les alexandrins y apprend Le Loup et l’agneau . Agneau, elle l’est, agneau dont le loup-père abuse (curieux euphémisme), abuse pendant des années, toutes les années d’école, avant qu’elle ne le morde. Il y a lui, l’ogre, restaurateur étoilé, grand maître des plaisirs de la bouche et de la chair fraîche, lui qui abuse de sa fille comme on le dirait d’une boisson. Et puis il y a les autres : la soeur qui ne ne voit ni n’entend rien et pourtant c’était la même chambre à quelques mètres à peine ; la mère qui refuse de croire sa fille quand, après des années d’enfouissement dans les oubliettes de l’esprit, la blessure des viols soudain resurgit ; le grand-père qui devinait parce que cela s’est déjà passé et qui pourtant n’a rien dit. Il y a elle, il y a lui, lui aussi et elle encore, il y en a tant et tant… Dans son plaidoyer l’avocat rappelle qu’en France, en 2024, une personne sur dix est victime d’inceste, que l’inceste est une pratique courante, un crime de masse. Et on sait qu’il n’y a pas que les chefs cuisiniers qui soient ogres, qu’ils sont légion, les pères abuseurs (car ce sont surtout des pères, mais pas seulement), et dans tous les milieux. Ce père est d’ailleurs joué par le même acteur que l’avocat, la mère et la soeur par la même actrice que celle qui incarne la psychologue expliquant le néant dans lequel tombent les victimes, et c’est le grand-père trop silencieux qui revêt parfois la robe rouge bordée d’hermine du président de tribunal déclamant au nom de la loi. Entre l’un et l’autre de ces personnages, de ces facettes, de ces moments peut-être, entre les accusés et le public, le public et les complices, il y a si peu d’écart : qui peut se croire à l’abri ? C’est pourquoi, avec le père, est jugé le silence, et avec lui cette acceptation, sociale, bien ancrée, des secrets de famille, des proches qui se taisent, des choses qui ne se disent pas même quand on les soupçonne. L’inceste et le viol sont aussi (pas seulement, bien sûr) histoire de société. Revient-il à nos mémoires des souvenirs familiers ? À la fin de la pièce, beaucoup, dans la salle, cette salle de spectacle devenue salle d’audience, pleuraient. C’est fou la capacité du théâtre à réveiller la braise sous la cendre, le souvenir et l’émotion sous les couches accumulées de honte, de déni, d’effroi et de dégoût ; c’est fou, la vertu cathartique du théâtre, son pouvoir libérateur. Dans les corps, dans les voix, dans le souffle et la sueur, dans la présence physique des comédiens, la chorégraphie, la musique, la lumière, quelque chose surgit que le texte recélait mais qu’il ne suffisait pas à faire voir. Quelque chose surgit et nous envoie bouler. Merci à Clément Carabédian, Estelle Clément-Bealem, Hermine Dos Santos, Patrick Palmero qui donnent existence à Vive , cette pièce de Joséphine Chaffin qu’on peut voir, dans le cadre du festival off , au Théâtre du train bleu Cet article Vive (de Joséphine Chaffin) est apparu en premier sur Aldor (le blog) .…
 
Les trois amazones de la ménagerie du Jardin des plantes Il y a ce spectacle de danse, sur la forêt, donné l’autre soir au conservatoire du Ve arrondissement ; cette magnifique exposition sur Les vivants visitée à Lille, fin 2022 ; la journée Nous, le vivant , organisée en septembre 2023 par l’ENS et le Muséum ; il y a ce que Marc nous apprend au théâtre : sentir les autres, la présence des autres, la relation que, même à distance, nous entretenons avec les autres ; il y a Waldo Emerson et La forêt d’émeraude , ce film revu il y a peu et qui, de sa facon un peu passée, raconte cela, ce « sentiment océanique » dont parlaient Freud et Romain Rolland ; et puis il y a ce que nous ressentons en présence d’autres animaux, sans doute pas de tous mais de la plupart, y compris les bousiers, les perruches et les daurades : une communauté, une communauté de vie et de destin. C’est cette interaction, cette interrelation avec les autres êtres que Baptiste Morizot explore et décrit, dont il tente de rendre sensibles les fils pour toutes celles et ceux qui ne perçoivent plus le délicat tissage, la délicate imbrication dont sont faits, à chaque instant, non seulement notre rapport au monde, mais le monde entier, le monde dont nous sommes part. Longtemps, très longtemps, cette conscience du monde, la perception de cet enchevêtrement de relations et de dépendances qui avait nourri le paganisme, la sorcellerie et l’Hymne au frère soleil de François, fut considérée comme conservatrice, voire réactionnaire, le mouvement et le progrès devant forcément épouser, magnifier la cassure entre homme et nature érigée en dogme par les monothéismes et consacrée par le cartésianisme, le rationalisme, le matérialisme, toutes ces conceptions et idéologies qui fondent la grandeur et la liberté de l’homme sur le mépris et l’asservissement du reste de la nature. Ce que montre Baptiste Morizot, ce qu’on ressent dès lors que, sur scène ou ailleurs, on essaie de porter attention, attention véritable aux autres et à nous-mêmes, c’est que cette attention, dansante et mimétique, qui noue des rapports gracieux avec ce qui l’entoure, qui considère et traite le monde comme cette maison commune dont parlait justement l’autre François ; cette attention faite d’égards, de compréhension, d’empathie, de respect, de dignité, est un continuum et donc un humanisme : il n’y a de véritable et complète existence, il n’y a de véritable et complet nous-mêmes que dans cette relation, cet entrelacement noué avec les autres êtres : nous sommes, nous ne sommes et les autres ne sont que cela : cette part d’un tout qui vibre et saigne à tout retranchement. C’est pour nous, pour nous tous, nous tous y compris les humains, que luttent ceux qui, comme le Morel des Racines du ciel , luttent pour les éléphants. Et c’est contre nous que luttent ceux qui, aujourd’hui, se fichent de ce combat. Car le combat de Morel et de Morizot est aussi un combat pour la dignité des êtres humains, de tous les êtres humains. Cet article Manières d’être vivant (de Baptiste Morizot) est apparu en premier sur Aldor (le blog) .…
 
Alice Milliat est celle qui, tenant tête à Pierre de Coubertin qui n'avait ouvert les Jeux olympiques aux femmes que dans cinq sports : tennis, voile, croquet, équitation, patinage artistique, combattit pour que toutes les épreuves aient leur volet féminin ; créa, devant le refus du CIO, les Jeux mondiaux féminins, qui prenaient place eux aussi tous les quatre ans, et obtint enfin que les femmes puissent concourir en athlétisme aux Jeux olympiques de 1928. Cet article Alice Milliat est apparu en premier sur Aldor (le blog) .…
 
"Bon, on va tous sortir mater le fleuve et les gens et puis sentir l'odeur du monde", déclare, dans Sur la route, Neal Cassady à la petite bande qui traverse avec lui l'Amérique tandis que la voiture et ses passagers viennent d'embarquer sur un ferry qui, de la Nouvelle Orléans, va les transporter en face, à Algiers, sur l'autre rive du Mississippi. Cet article Sur la route (de Jack Kerouac) est apparu en premier sur Aldor (le blog) .…
 
Une nouvelle fois, on se prend à rager : tous ces êtres, tous ces êtres si différents, qui n'aspirent qu'à une vie paisible et douce, et qui sont ballottés, déchiquetés parfois par l'existence, écrasés et rendus fous, méchants, violents, haineux, par l'égoïsme, l'orgueil, l'indifférence, la peur. Cet article La France sous leurs yeux est apparu en premier sur Aldor (le blog) .…
 
Quelque chose suinte et grossit, qui transforme progressivement nos victoires en défaites, nos progrès en régressions, et salit nos fiertés d'un motif de honte. Quelque part, on ne sait pas très bien comment ni pourquoi, quelque chose en nous s'est emballé, et la lumière qui nous guidait, qui éclairait le chemin en en chassant les ombres, est devenue aveuglante. Cet article Le facteur K (d’Aurélien Barrau) est apparu en premier sur Aldor (le blog) .…
 
Ce qui est passionnant (j'en reviens ici à mon introduction), c'est la réflexion en abyme ouverte par le livre. On pourrait en effet considérer Le problème des trois corps, qui met constamment en scène l'armée chinoise, comme un chaînon dans une guerre cognitive douce que, par littérature, cinéma ou réseaux sociaux interposés, se livreraient déjà certaines grandes puissances. Cet article Le problème à trois corps (de Liu Cixin) est apparu en premier sur Aldor (le blog) .…
 
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